đĄ Logement adaptĂ© : comment leur faire comprendre que c'est capital ?
Communication, design, incitation financiĂšre : quel est le bon mix ?
Je poursuis cette semaine la cartographie de la Silver économie entreprise avec vous depuis 15 jours.
Le 23 octobre : mapping du marchĂ© de lâhabitat partagĂ©.
Le 30 octobre : mapping 2022 de la Silver économie.
Aujourdâhui : le domicile adaptĂ©.
Nous allons y consacrer 2 ou 3 Ă©pisodes et je voudrais commencer par dĂ©fricher avec vous lâun des sujets phares de cette brique : les freins Ă lâadoption.
Pourquoi câest important dâadapter le logement ?
Enjeux en chiffre
La France compte 28 millions de logements anciens (construction antĂ©rieure Ă 2005) et nous construisons seulement 400 000 logements neufs chaque annĂ©e. Le neuf est obligĂ© de respecter des normes en termes dâadaptabilitĂ© du logement, mais tous les logements neufs, adaptĂ©s ou adaptables ne sont pas attribuĂ©s Ă des personnes fragiles.
MĂȘme si le neuf adaptĂ© ou adaptable jouent un rĂŽle dans lâacceptation de ces dispositifs, cela se produira sur le temps long.
Et donc, nous devons amener les personnes vivant dans lâancien Ă adapter leur logement.
Ă noter : câest pareil pour la transition climatique : les logements anciens ne sont pas adaptĂ©s Ă une augmentation des tempĂ©ratures. Puisquâon nâaura pas le temps de tout remplacer dâici Ă 2050, nous devons adapter lâexistant.
Enjeux in situ
Si nous voulons rĂ©pondre Ă lâattente des citoyens de vivre et vieillir âchez euxâ, nous devons les persuader dâhabiter un chez soi adaptĂ© Ă leur situation.
Ce chez soi comporte deux éléments :
Lâhabitat : le cadre de vie au sens territorial et Ă©cologique. Lâenvironnement dans lequel Ă©volue lâindividu.
Lâhabitation : le logement, lâabri, le foyer dans lequel vit lâindividu.
Les deux sont essentiels :
Je ne peux vivre décemment dans une habitation adaptée si elle est installée sur un territoire inhospitalier.
Je ne peux vivre sans difficultĂ©s extrĂȘmes dans une habitation inadaptĂ©e, mĂȘme si elle est installĂ©e au jardin dâEden !
Plus mes fragilitĂ©s sont importantes, plus ma dĂ©pendance Ă lâenvironnement est exacerbĂ©e, plus vivre dans une habitation inadaptĂ©e sera un calvaire.
Lâisolement accentue ce calvaire. Les personnes ĂągĂ©es ne peuvent pas toujours compter sur un soutien humain pour pallier lâinsuffisance de leur habitat.
Contre exemple⊠Et limites
Si je dispose dâune aide humaine permanente, jâai moins besoin de vivre dans un logement adaptĂ© puisque mon entourage ou mon personnel compense les Ă©carts entre mes capacitĂ©s et mon environnement.
Mais cette situation - qui nâest pas idĂ©ale non plus, vous en conviendrez - est des plus rares aujourdâhui en France.
Et donc, câest pour aider les citoyens fragiles Ă vivre Ă©panoui dans le logement de leur choix que nous devons - nous les professionnels de la Silver Ă©conomie - les aider et les inciter Ă adapter leur logement.
Et pour y parvenir, nous devons comprendre pourquoi les seniors ont tant de mal Ă adapter leur logement.
Bien sĂ»r tous les seniors nâont pas du mal Ă le faire, mais ce nâest pas une sinĂ©cure de persuader un parent fragilisĂ© dâadapter son environnement.
Cartographie des freins
Jâai pris un papier, un crayon et tentĂ© de lister tous les freins connus des professionnels pour expliquer le rejet de lâadaptation. Et jâai ensuite recherchĂ© des moyens de remĂ©dier aux problĂšmes.
Et cela donne cette cartographie :
Comment utiliser cette matrice ?
Vous pouvez dĂ©crire certaines rĂ©actions en dĂ©cortiquant leurs causes profondes. Prenons par exemple, le dĂ©ni. Le dĂ©ni, câest refuser dâadmettre sa propre fragilitĂ© et donc ne pas accepter dâadopter une rĂ©ponse adaptĂ©e. Si jâanalyse le dĂ©ni dans un contexte dâhabitat adaptĂ©, il est Ă mon avis dĂ» Ă un problĂšme dâinformation, de design et de confiance.
Ainsi, si je cherche Ă persuader ma belle-mĂšre dâĂ©quiper son logement avec un monte-escalier, je suis confrontĂ© Ă un refus massif quâelle justifie comme ça (câest un exemple vĂ©cu, hein).
Je nie avoir besoin dâun monte-escalier parce que je ne veux pas dĂ©figurer ma maison (design), que je ne connais personne qui en ait un et puisse mâen dire du bien (confiance) et que je ne sais pas comment ça marche, Ă qui mâadresser ni si cela rĂ©pond vraiment Ă mon problĂšme (si tant est que jâai un problĂšme).
Et donc, comment on va répondre à ces problÚmes ?
Avec un arbre de solutions pardi !
Lâarbre des solutions
Il y a 4 sujets et ils sont bien souvent corrélés.
Et donc, je dois identifier le problÚme sur lequel agir en priorité afin de débloquer toute la situation.
La fausse bonne idée
Elle consiste Ă vouloir toucher une majoritĂ© de citoyens avec des actions massives, partant du principe quâun problĂšme de sociĂ©tĂ© doit intĂ©resser toute la population.
Câest jouable sur du trĂšs long terme si vous avez le budget de lâEtat ou dâun gros lobby, du temps devant vous et des armes lĂ©gislatives qui ne sont pas Ă la portĂ©e du premier venu.
On va dire que ce nâest pas le cas de la majoritĂ© des lecteurs de LongĂ©vitĂ© et donc je suis dâavis de dĂ©marrer votre action en recherchant la confiance dâune petite communautĂ©.
Vous commencez par rĂ©soudre le problĂšme dâune petite niche, puis vous vous appuyez sur elle pour grossir.
ThĂ©orie de la diffusion de lâinnovation
Nous avons validĂ© (nâest-ce pas ?) que vous ne pouvez pas embarquer une majoritĂ© de citoyens dans un changement sans avoir au prĂ©alable sĂ©duit les citoyens les plus ouverts au changement.
Et donc, pour contourner cet Ă©cueil, vous devez commencer par toucher un petit groupe dâutilisateurs, mais pas nâimporte quels utilisateurs. Vous devez trouver des utilisateurs qui soient ouverts au changement et acceptent de sâapproprier un Ă©quipement qui paraĂźt incongru ou carrĂ©ment inacceptable Ă une majoritĂ© de citoyens.
Pour diffuser votre nouvel équipement dans la population, vous allez vous appuyer sur la théorie de la diffusion des nouveaux produits.
Cette thĂ©orie a Ă©tĂ© rĂ©vĂ©lĂ©e par le sociologue et statisticien Everett Roger en 1962. Ce chercheur a construit un modĂšle pour expliquer comment une innovation se diffuse.Â
Ce que vous apprend cette courbe, c'est que tous vos clients potentiels ne sont pas identiques. Certains sont plus attirés par la nouveauté : les innovateurs et les premiers adopteurs.
Les premiers 2,5% de la population sont nos innovateurs, ceux qui sont prĂȘts Ă acheter un prototype. Le groupe suivant, constituĂ© de 13,5% de la population est celui des premiers adopteurs. Ils ne sont pas aussi audacieux que les innovateurs, mais sont prĂȘts Ă prendre un risque sur la qualitĂ© du produit. Vient ensuite la cohorte de la majoritĂ© initiale (34% de la population), puis la majoritĂ© tardive (34%) et enfin les retardataires constituent le dernier groupe de 16% de la population. Ceux-lĂ nâachĂštent que des produits qui ont fait leurs preuves depuis des annĂ©es.
Le marchĂ© global est composĂ© des trois groupes principaux : majoritĂ© initiale, majoritĂ© initiale et retardataires, mais vous lâavez compris, ils n'adoptent pas une innovation tant que quelquâun dâautre ne lâa pas essayĂ© avant. Lâacceptation dâune idĂ©e par le marchĂ© global doit obligatoirement passer par lâappropriation du concept par les innovateurs et les premiers adopteurs.
Vous devez lire cette courbe comme un parcours. Quand vous commercialisez une offre innovante, les premiers acheteurs sont les innovateurs. Par exemple, si vous avez 2% de parts de marché = 100% de vos clients sont des innovateurs. Les innovateurs vont ouvrir la voie aux premiers adopteurs, puis à la majorité initiale etc.
On nâattrape pas les mouches avec du vinaigre
Donc, pour diffuser la culture du logement adaptĂ©, vous commencez par instruire des publics plus ouverts Ă lâinnovation : innovateurs et premiers adopteurs. Dans ces populations, vous rencontrez des influenceurs, des connecteurs qui auront Ă cĆur de partager leur belle dĂ©couverte Ă tout leur rĂ©seau de majoritĂ© initiale.
Lorsque vous touchez 12 Ă 15% de votre marchĂ©, vous atteignez un point de bascule oĂč la majoritĂ© initiale valide que vous rĂ©solvez son problĂšme.
La magie du point de bascule
Câest Ă ce moment-lĂ et pas avant que vous intĂ©resserez le marchĂ© global et que le travail d'influence des innovateurs et premiers adopteurs donne Ă la majoritĂ© initiale une furieuse envie de se mettre Ă la page.Â
La magie du point de bascule, c'est que votre innovation peut se diffuser naturellement, sans que vous ayez à faire un effort massif en communication et publicité.
En répondant au besoin des innovateurs et des premiers adopteurs, vous aurez séduit des ambassadeurs. Des fans absolus qui seront vos meilleurs médias.
Et donc, lâenjeu nâest pas tant la campagne tĂ©lĂ© nationale ou lâincitation financiĂšre.
Lâenjeu, câest de sĂ©duire des personnes qui sauront en influencer dâautres et qui, par capillaritĂ©, imposeront une idĂ©e innovante dans la rĂ©alitĂ© de chacun.
Lâeffet boule de neige
Ă partir du moment oĂč un produit bĂ©nĂ©ficie dâun tel capital de notoriĂ©tĂ©, il attire de nouveaux fabricants qui vont adapter leur design Ă la demande, offrant une multitude dâoptions pour rĂ©pondre Ă la diversitĂ© des attentes dâun public plus vaste.
La gĂ©nĂ©ralisation du format va entraĂźner une standardisation accrue et donc une diminution du prix dâaccĂšs, mais aussi Ă un Ă©largissement de la gamme.
La reconnaissance de lâutilitĂ© du dispositif en facilitera la prise en charge par les pouvoirs publics ou les services dâaction sociale.
Un exemple : la douche Ă lâitalienne
Par exemple, dans un pays accro Ă la baignoire, la douche Ă lâitalienne est devenue un objet dĂ©sirable pour une partie croissante de la population. Et ce nâest pas le plan Action Logement de 2019 qui y a le plus contribuĂ© (ce plan prĂ©voyait de financer 20 000 installations de douches Ă lâitalienne dans des foyers ĂągĂ©s et prĂ©caires).
Non, ce qui contribue Ă rendre la douche Ă lâitalienne dĂ©sirable, câest dâune part quâon en trouve partout : hĂŽtels, clubs de loisirs, piscines, etc. et dâautre part que les constructeurs proposent des produits sĂ©duisants adaptĂ©s Ă une large gamme de clients.
Aujourdâhui, les citoyens rĂ©clament des douches Ă lâitalienne pour diffĂ©rentes raisons : confort, esthĂ©tique, facilitĂ© dâentretien, Ă©conomie dâeau, etc.
Dâun produit de niche, la douche est devenue un produit mainstream quâil est donc plus facile Ă installer chez des personnes fragiles - Ă qui elle offre plus de sĂ©curitĂ© quâune baignoire ou quâune douche bac âclassiqueâ - que dâautres Ă©quipements encore trop stigmatisants.
Et donc, le âparcours de la doucheâ pourrait ĂȘtre empruntĂ© par dâautres Ă©quipements pour passer dâun marchĂ© de niche stigmatisant Ă un marchĂ© mainstream et dĂ©sirable.
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