🤘Hellfest, Silver économie : même combat ?

La musique extrême adoucit les moeurs et réconcilie les générations.

Aujourd’hui c'est le Hellfest et j'ai envie de vous parler de Metal. Je dois vous faire une confidence : Je suis un fan de Metal. Bien avant de créer Sweet Home, j'écrivais des chroniques musicales pour des médias spécialisés. C'est grâce à cette activité éditoriale bénévole que j’ai renforcé les compétences rédactionnelles et appris à maîtriser les outils de communication digitale. Compétences que j’ai mises à profit pour créer Sweet Home.

Tout est lié !

C'est quoi le Hellfest ?

C'est tout simplement le plus gros festival de Metal Hexagonal.

Il se déroule chaque année à Clisson, au sud de Nantes, à la fin du mois de juin. Interrompu pendant deux ans pour cause de covid, il reprend cette année en offrant une double dose aux festivaliers qui pourront se charger les esgourdes durant deux gros weekend d’affilée (du vendredi au dimanche).

Pendant ces 2 x trois jours, 180 000 festivaliers viennent taper des mains et des pieds devant plusieurs centaines de groupes qui se produisent sur six scènes différentes. Pour se sustenter, ces gais festivaliers boivent de la bière, beaucoup de bière.

Le record a été battu en juin 2018 avec 800 000 pintes vendues. Pour suivre la cadence, la bière est livrée en citernes de 1 000 hectolitres acheminés vers les différents bars à travers un réseau de canalisation haute pression. A l'heure où vous lisez ces lignes, 60 000 festivaliers entament le dernier jour de la première partie du festival. Cela fait quatre jours qu'ils dorment 2 heures par nuit sous une tente, prennent des bières au petit-déjeuner et écoutent du Metal en branlant le chef.

Là, c'est dimanche. En temps normal, ils commenceraient à déprimer à l'idée que demain, tout sera terminé. Qu’ils devront plier les gaules pour retourner dans la vraie vie.

Mais là, Ô joie, ils se disent seulement qu’ils vont pouvoir se reposer (ou pas) pendant 4 jours avant d’en remettre une couche et de se mettre à vraiment déprimer dimanche prochain à l’idée que le conte de fée s’achève jusqu’à juin 2023.

Ils entameront alors une petite dépression post-festival qui dure une semaine et qu'on soigne en buvant des bières et en écoutant du Metal.

Je vous parle du Hellfest et des fans de Metal dans votre rendez-vous dominical préféré parce que cette communauté est ultra inclusive et tout sauf âgiste.

A l’instar de leurs idoles, ces festivaliers sont parfois des seniors et la tolérance y est de mise, car la notion cardinale des fans de Metal et des organisateurs du Hellfest, c’est de veiller au respect de la liberté individuelle et collective. Tout est permis à condition de ne pas se mettre en danger ou mettre les autres en danger. Un défi de taille pour une organisation qui doit assurer la sécurité de plusieurs dizaines de milliers de personnes avinées sous le soleil caniculaire qui rien n’arrête sinon le nuage de poussière soulevé par les rangers pendant les pogos effrénes, les circle pit et autres wall of death (illustration ci-dessous) suscité par les charismatiques frontmen et frontwomen qui électrisent leur public avec leurs harangues martiales...

Passion Metal 😈

C’est parce que le Metal est un genre musical qui suscite des passions profondes et durables qu’il réunit tant de fans de tous âges. Au chaud, entre amis, à Clisson, les festivaliers oublient leur âge et l'âge de leur voisin. Ils sont là pour la même raison et cette raison est multigénérationnelle. 

C'est ce constat qui m'a donné l'idée de cette newsletter. Mais plutôt que de me cantonner au seul Hellfest, j'ai envie de prendre un peu de champ en présentant quelques traits marquants communs au Metal et à la Silver économie.

J'essaye de rester accessibles aux néophytes, rassurez-vous !

Metal et Silver économie : points communs

#1 Les outsiders ont des tonnes de préjugés

La caractéristiques commune au Metal et à la Silver éco pourrait se résumer dans les préjugés à leur égard.

Chez les détracteurs du Metal. On pense d'abord violence, bas du frontisme, musique pour beaufs, incitation à plein de trucs pas nets (meurtre, suicide, viol, incendie d'églises), anticléricalisme patent. Les critiques oublient qu'il s'agit avant tout, et pour l'écrasante majorité des artistes, de spectacle et d'expression artistique. Une expression artistique qui n'est pas pour tout le monde, à l'instar de la peinture abstraite et du cinéma de Philippe Garrel.

Chez les détracteurs de la Silver économie. On pense "système pour faire de l'argent sur le dos des vieux", businessmen sans âme et aux dents longues, argent, fonds de pension canadiens. Les critiques oublient qu'il s'agit avant tout, et pour l'écrasante majorité des acteurs, de trouver une solution aux problèmes liés au vieillissement et que leur modèle économique doit leur donner les moyens d'investir et de rester indépendant vis à vis des pouvoirs publics (qui n'ont de toute manière plus d'argent).

#2 Les insiders se serrent les coudes

Le metal est un tout petit monde. Il ne faut pas se laisser aveugler par les 180 000 visiteurs du Hellfest. Ramené à l'ensemble de la population Française, les fans de Metal ne pèsent pas bien lourd. Et si ils affluent à Clisson fin juin, ils sont loin de se bousculer autant pour remplir les salles de concert pendant le reste de l'année. Quand on fréquente ce milieu, on a tôt fait de connaître la plupart des têtes. C'est encore plus vrai pour les pros qui officient sur scène, les médias spécialisés, les labels et les techniciens.

La Silver économie est aussi un tout petit monde. Même si de nouvelles entreprises se créent chaque année, la prise de conscience par l'ensemble du monde économique de la nécessité d'adopter une attitude Senior Friendly ne s'est pas encore produite. Fréquenter les événements de l'écosystème conduit donc à croiser un peu toujours les mêmes gens. En outre, dans plusieurs secteurs de la Silver économie où le marché est loin d'être saturé, les acteurs essayent de trouver ensemble les clés du marché plutôt que de se tirer dans les pattes (toute proportion gardée, on n'est pas non plus dans l'île aux Enfants et ses monstres gentils).

#3 Une grande famille avec des antagonismes puissants

Un certain nombre de genres de Metal sont apparus depuis la fin des années 1960. Même si ces genres sont parfois difficiles à distinguer les uns des autres, ils se différencient la plupart du temps par des structures, des styles instrumentaux et vocaux, et des tempos différents. Parfois, une caractéristique est partagée par un genre et plusieurs autres genres ou sous-genres. Les genres de Metal sont généralement groupés au regard de ces caractéristiques. Note pour les curieux : il y en a une centaine, ce qui fait du Metal un excellent outil de stimulation cognitive.

Silver éco : le clivage Commercial vs Non Lucratif: Il existe un antagonisme structurant entre le commercial et le non lucratif. Il ne concerne pas toutes les verticales, mais s’exprime avec force dans les services à la personne et l’habitat senior. Un nombre élevé d’acteurs publics (et associatifs) estiment que les acteurs commerciaux n’ont pas leur place dans ces métiers, car “on ne fait pas d’argent sur le dos des vieux.” Or, dans une France où la subvention se fait rare et où les besoins des citoyens fragiles restent importants, cette lutte d'un autre âge fait plus pitié que sourire. Elle est autant le fait de structures assises sur leurs pseudo-privilèges que de pouvoirs publics dysfonctionnels qui préfèrent ostraciser des entrepreneurs commerciaux au risque de ne pas pouvoir satisfaire leurs administrés tout en inondant de subventions des acteurs qui n’ont pas l’étoffe pour développer et pérenniser des projets ambitieux et utiles.

#4 La presse grand public n'y comprend rien

Le seul moment de l'année où la presse grand public s'intéresse au Metal, c'est justement le Hellfest. Chaque rédaction y dépêche un envoyé spécial qui après un bain de foule et trois micro-trottoir se réfugie au bar VIP d'où il suit la fin du festival par écran interposé. Les reportages affligeants donnent du Metal une image caricaturale qui fait pleurer des larmes de sang à tout fan qui se respecte.

Pour la Silver économie, c'est presque pareil. Certes, on ne risque pas de se faire piétiner par une foule de fans en délire en arpentant les allées du salon Silver Economy Expo ou de se lancer dans un wall of death au Festival Silver eco de Cannes… Mais globalement, la presse grand public a du mal à comprendre le fonds des sujets. Les reportages qu'elle consacre à la Silver économie, souvent centrés sur les levées de fonds et la dernière montre anti-chute, font pleurer des larmes de sang à tout observateur averti qui se respecte.

Je vous laisse méditer là-dessus et vous donne rendez-vous la semaine prochaine pour une nouvelle newsletter consacrée aux chutes, justement…

Crédits photo : Ludovic Fontanet (Hellfest 2016)